Jules Verne. 2, Le tour de la ville idéale en 80 romans
La ville d’Amiens et Jules Verne partagent un lien indéfectible : Verne a marqué la ville par son implication dans la vie locale tout comme la ville a influencé son œuvre et son développement personnel. Jules Verne compose en 1875 un texte dans lequel il transpose la ville d’Amiens en l’an 2000, et la décrit comme une ville idéale qui met les progrès techniques au service des habitants. Élu conseiller municipal de 1888 à 1904, il cherche à réaliser son projet de « ville idéale » et contribue fortement à transformer la ville. Au-delà même de ce texte, c’est toute l’œuvre de Jules Verne qui est ponctuée de cette réflexion autour de l’urbanisme utopique.
Jules Verne, un citoyen amiénois impliqué dans la vie locale
Verne apporte à Amiens un rayonnement culturel et littéraire : son œuvre immense contribue à la renommée de la ville à l’échelle nationale et internationale. Mais Amiens pour Jules Verne c’est aussi un engagement local. En plus d’être écrivain, Jules Verne s’investit activement dans la vie publique et culturelle d’Amiens. Guidé par son rêve de ville idéale, il s’engage en politique et est élu conseiller municipal en 1888. Il rejoint la liste du maire sortant Frédéric Petit, un républicain, bien que ses idées soient plutôt conservatrices. Il s’en explique dans une lettre auprès d’un camarade : « mon unique intention est de me rendre utile , et de faire aboutir certaines réformes urbaines ». En février 1895 il déclare dans une interview au Strand magazine : « Depuis 12 ans je suis devenu amiénois, ma femme est amiénoise de naissance. C’est là que je fis sa connaissance et peu à peu tous mes intérêts, toutes mes affections furent concentrées sur Amiens. Beaucoup de mes amis vous diront que je suis plus fier d’être conseiller municipal d’Amiens que de ma réputation littéraire. J’avoue que c’est avec une grande satisfaction que je remplis ma charge de conseiller municipal. ». Il sera réélu jusqu’en 1904, se montrant assidu aux séances et se consacrant au développement de la ville. Il siège dans diverses commissions, notamment celles des Archives, du Musée de Picardie et du Bureau de bienfaisance.

Il participe à l’embellissement d’Amiens par la création de parcs et d’espaces verts accessibles aux habitants et soutient des projets visant à améliorer les infrastructures de transport, notamment pour les transports en commun, en modernisant les voies de circulation. Il appuie des projets visant à améliorer l’éclairage public au gaz et à moderniser le réseau d’assainissement de la ville. L’une de ses contributions majeures est la mise en valeur du patrimoine de la ville par la rénovation de bâtiments historiques.
Il s’implique également dans les initiatives visant à pourvoir la culture et l’éducation. Il contribue à développer les équipements culturels et éducatifs en encourageant la construction de bibliothèques, d’écoles et de musées pour rendre la culture plus accessible.
Jules Verne était fasciné par le cirque et parmi ses contributions majeures, il soutient la construction du cirque municipal en pierre. La construction est confiée à l’architecte Émile Ricquier, ancien élève de Gustave Eiffel. Le bâtiment est inauguré le 23 juin 1889 pour le centenaire de la Révolution française. En tant que vice-président de la commission chargée des affaires culturelles il prononce un discours dans lequel il rend hommage à l’ancien cirque de bois.

Il s’implique également dans les cercles littéraires et artistiques locaux, fréquentant des notables et partageant sa passion pour le progrès et l’imaginaire scientifique. Se refusant à postuler à un siège à l’Académie française, il se contente modestement de faire partie de l’Académie d’Amiens pendant trente-trois ans. Il en est nommé directeur par deux fois, en 1875 et en 1881. Il occupe également la fonction d’administrateur de la bibliothèque municipale qu’il fréquente régulièrement pour ses recherches ; il fréquente également assidûment la bibliothèque de la Société industrielle d’Amiens fondée en 1861 par quelques industriels.

Son engagement en faveur de l'instruction publique est reconnu en 1892 par sa promotion au grade d'officier de la Légion d'honneur, sur recommandation du ministère de l'Instruction publique (il était chevalier de la Légion d’honneur depuis 1870).

De l’urbanisme utopique à la Ville idéale
À l'origine, La Ville idéale est un discours prononcé lors de la séance publique du 12 décembre 1875 de l'Académie d'Amiens dont Jules Verne est le directeur.
La nouvelle est écrite dans une veine futuriste où Verne se laisse aller à des descriptions utopiques et fantastiques, style qui lui a été interdit par Hetzel. Mais plus qu'une anticipation, ce texte est surtout une satire du présent puisqu'il critique la ville d'Amiens de 1875.
Jules Verne y explique à ses collègues le rêve qu'il a fait, celui d'Amiens en l'an 2000. Il ne reconnaît plus rien de la ville qu'il a connue : les progrès techniques ont été considérables. Certaines de ces modifications étaient d’ailleurs prévues en I875 et Jules Verne imagine qu’elles ont été réalisées.
Ce texte reflète ses idées sur l’urbanisme et le progrès social, un thème qui l’intéressait particulièrement. Cet essai est une sorte de réflexion utopique dans laquelle Jules Verne imagine une cité parfaite où la modernité et le progrès sont au service du bien-être des habitants.

Verne s’intéresse ici à des thèmes chers au XIXe siècle, comme l’industrialisation, les transports, les communications, et leurs impacts sur la société. La ville idéale selon lui est une cité de la technologie et les infrastructures facilitent la vie des citoyens. Elle est organisée de manière rationnelle, avec des réseaux de transports bien développés (notamment des trains et des tramways),

Ainsi que des infrastructures modernes comme des égouts, des éclairages publics, et des bâtiments optimisés.

En fait, La ville idéale est une œuvre visionnaire qui traduit la fascination de Verne pour le progrès et son espoir de voir une société meilleure naître des avancées scientifiques et industrielles. Ce texte s’inscrit dans une tradition utopique où les penseurs imaginent une cité parfaite, mais il reflète également les préoccupations de Verne pour l’avenir de la civilisation humaine.
Le thème de la ville idéale est cher à Jules Verne. Il l’explore dans plusieurs de ses œuvres, avant même de composer La ville idéale. Bien qu’il n’y développe pas une « ville idéale » au sens strict, plusieurs de ses écrits reflètent ses idées sur le progrès, la science et leur impact sur la société. Parmi ses œuvres, Paris au XXe siècle est particulièrement notable. Ce roman, écrit en 1863 mais publié seulement en 1994, dépeint une vision futuriste de Paris, marquée par l'industrialisation et la technologie. Dans Les Cinq Cents Millions de la Bégum, paru en 1879, il développe le thème de l’urbanisme utopique, lequel s’oppose au productivisme. Il y met en scène deux cités qui s’affrontent : Stahlstadt, « la cité de l'acier », construction dystopique qui cherche à soumettre le monde, et à l’inverse France-Ville, une cité qu’il pare des vertus qui définissent selon lui la ville idéale.
Parmi les thèmes développés on retrouve régulièrement l’idée de villes équipées de technologies avancées, comme des réseaux de communication rapides, l’utilisation de l’électricité, et l’optimisation de la production industrielle. Verne met souvent en avant des systèmes de transport innovants et efficaces. Dans Les Cinq Cents Millions de la Bégum, il imagine des moyens de transport rapides et pratiques qui facilitent les déplacements. Dans L’Île à hélice Milliard-City est un ville utopique construite par le Dr. Sarrasin grâce à un héritage colossal. Cette cité est basée sur des principes hygiéniques, scientifiques et sociaux avancés pour l'époque.

Les villes idéales de Verne favorisent souvent un esprit de communauté et de collaboration entre les habitants. Dans L'Île mystérieuse, les personnages doivent travailler ensemble pour survivre et s'adapter à leur nouvel environnement ; ils vivent en symbiose avec les ressources de l'île. L’harmonie entre les citoyens est possible grâce à une planification intelligente, favorisant le bien-être collectif. L'île Lincoln fonctionne comme une micro-société idéale où un groupe de naufragés reconstitue une civilisation basée sur la science, l'entraide et l’ingéniosité humaine. C'est un exemple parfait d'un lieu où les compétences collectives permettent de surmonter tous les défis

Dans Vingt mille lieues sous les mers le Nautilus, sous-marin commandé par le Capitaine Nemo, bien que n'étant pas une ville à proprement parler, fonctionne comme. La science, la connaissance et l'autosuffisance priment. Le capitaine Nemo y recrée un environnement où il est indépendant des nations terrestres.

L'éducation et la culture occupent également une place importante dans ses descriptions de villes idéales, comme dans Les Enfants du capitaine Grant, où l'esprit d'aventure est accompagné d'une quête de connaissance. De même dans Les Cinq Cents Millions de la Bégum, France-Ville est une autre ville imaginée comme un modèle d'organisation sociale et urbaine, avec une grande attention portée à la santé publique et à l'éducation.

Les descriptions des villes de Verne incluent souvent une architecture impressionnante et esthétique. Dans Le Château des Carpathes, l'architecture mystérieuse et romantique du château joue un rôle central dans l'intrigue.

Jules Verne et Amiens partagent une histoire étroite. La ville a non seulement influencé sa vie personnelle, mais a également laissé une empreinte dans son œuvre littéraire. Son héritage perdure à travers ses livres et l’impact que l’écrivain a eu sur la littérature et la science. Amiens, en tant que point de départ de ses rêves littéraires, demeure un lieu emblématique pour tous ceux qui s’intéressent à l’univers fascinant de Jules Verne. Aujourd’hui, Amiens continue de célébrer cet héritage, renforçant le lien entre l’auteur et sa ville d’adoption.
Pour aller plus loin
- Sélection Gallica Jules Verne (1828-1905)
- Sélection Gallica Jules Verne feuilletoniste
- Sophie Bros, Jules Verne : l'extraordinaire plutôt que le merveilleux