• Rose et Ninette d’Alphonse Daudet
Le roman revient à plusieurs reprises sur les aspects divers de la passion, ainsi que sa fin – le divorce ou la séparation. Les cas de figures sont divers. Le personnage principal a ainsi dû œuvrer pour pouvoir divorcer. Au chapitre IV, on retrouve le récit résumé d’un amour jaloux : « Mariée au Havre il y a dix ans […] m’a été utile… »
L’aspect passionnel de la mort est également présent au chapitre IX. La mort d’un homme devient prétexte à une joie du personnage, car elle ouvre la voie à l'amour : « Mort ! […] de la vie et du monde. » Dans cette scène se mêle l’espoir amoureux enivrant, et la rencontre avec un couple de comédiens dont l’amour est complet et sans orages.
• Mémoires de deux jeunes mariées d’Honoré de Balzac
Ne pouvant s’accomplir dans la maternité, le personnage de Louise est tout entier consommé par la passion amoureuse, une passion qu’elle vit mais également qu’elle désire pour elle-même et dont elle connaît deux formes. Dans un premier temps, l’amour de Louise pour Felipe est passionnel, et il est surtout présenté en sens inverse : Louise suscite le désir. De façon intéressante, elle raconte dans sa Lettre XXVII (devenue XXVI) les conseils de sa mère, qui mettent en perspective la passion et l'amour, et la durabilité de l'un et l'autre : « Tu te maries [...] la veille de notre mariage. »
Plus tard, alors qu’elle vit une passion avec le jeune Marie Gaston, elle décrit à la Lettre XLVIII un amour total et inversé par rapport à sa première passion. Elle est désormais celle qui aime, et non plus en premier lieu celle qui est aimée : « En ce moment j’ai la certitude […] pour toute la journée. »
• Marcelle Rabe de Théodore de Banville
Marcelle Rabe est un roman d’amour à bien des égards. Daniel Mathis est un amoureux, quelle que soit la femme, aimant avec passion : c’est donc du côté des femmes que se pose en réalité la question de la nature du sentiment. Marcelle Rabe, en particulier, insiste lourdement auprès du médecin sur la monstruosité de l’amour porté par une courtisane, un amour négatif et presque dangereux. C’est un sujet qu’elle développe par exemple dans la partie XII : « Je tâcherai […] de rentrer dans la raison. »
Marcelle Rabe décide donc d'écarter Daniel en lui rappelant un amour du passé : son amie prend alors des informations sur cette femme, Claudine Vandrenne née Hua. Il s’agit d’une stratégie pour le ramener, dans la partie XVI, à un autre amour qui serait moins dangereux : « Quand le repos fut terminé […] anéantir la chair rebelle. » L’amour de Daniel Mathis pour Claudine Vandrenne s’avère en réalité dangereux pour son intégrité : entièrement consumé par cet amour extrêmement physique, il perd en quelque sorte son individualité. Cet effet terrible de l’amour est décrit entre autres dans la partie XXV : « Jouant, lui aussi […] à elle, exclusivement. »
• Une larme du Diable de Théophile Gautier
Dans la nouvelle donc le cadre est l'Égypte antique, l’amour est une force puissante capable de renverser une destinée. Ainsi, dans le chapitre II, l’ennui de Cléopâtre, un ennui profond et existentiel, ne peut être combattu que par l’amour : « Encore, si pour tempérer […] je parlais tout à l’heure. » Plus loin, au chapitre III, c’est une aventure extrêmement romanesque qui permet la relation des amants potentiels. Gautier explore la question de l’amour porté à une reine, un amour qui ne peut rien avoir de commun avec les sentiments terrestres : « C’est une étrange situation […] Je vous aime. »
• Trois hommes forts d’Alexandre Dumas fils
Pour Frédéric, l’amour est surtout un moyen de pression. Mais la femme séduite, Blanche, a un rapport bien plus honnête aux sensations. Dans cet extrait, elle s’adonne à une comparaison de deux expressions de l’amour, s’interrogeant sur la valeur de l’une et l’autre, consciente de l’infériorité du sentiment auquel elle a cédé. Ce moment se trouve au chapitre « L’amour de Robert » (uniquement présent dans le volume) : « Est-ce que Robert m’aimerait […] s’excuser elle-même. » Plus loin, dans le chapitre « Une visite inattendue » (section XIX dans le feuilleton) Blanche change de comportement avec son amant, du fait d’un amour véritable qui lui donne la conscience aiguë de l’indignité de cette relation : « Blanche se résignait […] à l’heure du châtiment. »
Par ailleurs, certains textes décrivent des sentiments passionnés qui ne sont pas à proprement parler de l’amour :
• Splendeurs et misères des courtisanes d’Honoré de Balzac
Les bagnards et criminels, dans ce roman, sont gouvernés par la passion plus que l’amour. Cela est évident au chapitre IV, et rend plus complexe la psychologie de ces personnages cruels et prêts à tout : « La passion est presque toujours […] assez difficiles à établir. »
On rencontre également dans de très nombreux romans des désirs forts. Certains sont des désirs masculins à sens unique :
• Ce qui ne meurt pas de Barbey d’Aurevilly
Dès le départ, le désir et la passion du jeune homme s’opposent à un rapport très pragmatique à l’amour de la femme, plus âgée, qu’il aime. On le voit au chapitre III de la première partie : « Allan entra […] elle lui scandait le cœur. » Cet amour si intense, comme on le voit au chapitre IV de la première partie, s’exprime par la timidité, ce qui engendre ici une analyse générale sur l’amour : « On l’a vu […] leur adorable beauté. »
À l’inverse, le chapitre IX de la première partie montre un regard différent, celui de l’expérience de l’amour qui permet de savoir combien il peut décevoir : « Ce sentiment habitait en moi […] mais on ne vit plus. » Enfin dans la deuxième partie on assiste à un renversement, sensible au chapitre IV. Allan est désormais celui qui inspire la passion et non qui la ressent : « Allan était touché de cette silencieuse […] rien ne transpirait. »
• Un prêtre marié de Barbey d’Aurevilly
Dans ce roman, l’amour n’est pas heureux. Un véritable lien filial existe entre Calixte et son père. Néanmoins, l’amoureux du roman, Néel, ne sera jamais véritablement heureux. Au chapitre IX (VI en volume) apparaissent la puissance et la profondeur de l’amour, même contraires aux modèles du jeune homme : « Néel emportait […] une première fois rencontrée. » Plus loin, au chapitre XLIX (XXV en volume), Néel admet l’évidence d’un amour déçu qui n’empêche en rien l’influence de la femme aimée : « En somme, il n’avait […] bien plus douloureux ! »
• Honorine de Théodore de Banville
Cette nouvelle raconte un amour malheureux, où l’intensité de la passion fait face à une froideur certaine. Ainsi, dans cet extrait qui met fin à la première moitié de la nouvelle, le héros vit une scène d’amour et de séduction, avant de réaliser brutalement combien cette séduction et cette réussite auprès de la femme aimée sont fausses : « Quelques fois, quand j’arrivais […] une scène d’amour. » Le désir passionné du personnage est alors confronté à une passion feinte. Le jeune héros, ne parvenant à comprendre l’amour étrange de son amante, décrit ici avec force la façon dont il se sent dévoré par la jalousie : « Mais, ajouta Julien […] à quoi s’en prendre. »
Dans d'autres cas il s'agit de descriptions du désir féminin. Il est souvent non payé de retour ou frappé du sceau de l’imaginaire :
• Mathilde d’Eugène Sue
La jeune femme décrit la naissance d’un sentiment, comme une évidence, du fait de sa situation plus que des affinités. Le chapitre XVI montre combien la présence de l’homme qu’elle pense épouser change sa vie : « À mesure que notre intimité […] s’il demandait ma main… »
L’amour qu’éprouve la jeune femme pour son époux n’est pas (ou plus) payé de retour. Cette situation malheureuse lui est expliquée de façon crue par sa tante dans cet extrait du chapitre XV de la deuxième partie : « Gontran est sûr de mon amour […] plus longtemps à souffrir. »
• Une fille d’Ève d’Honoré de Balzac
Le chapitre III décrit un amour conjugal, très tranquille, qui crée l’ennui car il n’est pas vraiment l’amour : « La comtesse se sentait […] du mal qu’ils ne font pas. » C’est cet ennui et cette tranquillité qui provoquent dans le cœur de la comtesse le désir d’un amour plus tumultueux. Cet amour naît au chapitre IV : « La comtesse avait été prise […] à y répondre. » Au début, cependant, la relation reste très imaginaire, en total décalage avec ce que ressent Raoul – beaucoup plus calculateur.
• La Croix de Berny
Le point de départ du roman, auquel Théophile Gautier participe, est une interrogation sur l'amour, qui met en avant la complexité de ce sentiment, et se présente comme un test : « Vous êtes une grande […] soient une folie. » Ce test de l’amour se poursuit de lettre en lettre, et Irène écrit à son amie à la fois le compte-rendu de son action, et la réflexion qui lui vient au sujet de ses sentiments, dans la Lettre VII : « Valentine, cette fois […] la mauvaise plaisanterie d’une épreuve. »
• Le Collier de la Reine d’Alexandre Dumas
Malgré sa résistance, la reine finit par entrer dans une relation amoureuse. Dans cette scène du chapitre « Convalescence » le trouble des personnages permet de voir cet amour interdit : « A peine eut-il senti […] mort ou parti du château. »
C’est entre autres pour cacher cette relation que la reine demande à Andrée d’épouser celui qui est son amant. Cette dernière, qui l’aime véritablement, est donc débordée de joie en apprenant ce mariage (qui est en réalité arrangé) au chapitre « Un cœur mort » : « Un... mariage ! […] d’ardents baisers. »
• Diane de Lys d’Alexandre Dumas fils
Le texte de la deuxième publication décrit un premier rendez-vous amoureux, avec les difficultés et les délicatesses qu'implique une telle situation : « La marquise regardait autour d’elle […] une pareille route. » L’intrication des situations et des sentiments amoureux place la plupart des personnages dans la souffrance, chacun aimant celui ou celle qui ne les aime pas et qui ignore être aimé : « Diane éprouvait vis-à-vis […] pas connue jusque-là. »
Enfin, le désir assouvi ou non est parfois partagé (bien que souvent orageux) :
• La Reine Margot d’Alexandre Dumas
Dans cette scène, la conversation des deux personnages permet de comprendre la relation du roi Henri avec Charlotte et notamment de leur amour. Elle s’y explique notamment sur sa jalousie, au chapitre V de la troisième partie (chapitre XXI, volume I) : « Voyons, Charlotte […] qui nous unit tous. »
• Au Bonheur des dames d’Émile Zola
Le désir grandissant de Mouret pour Denise s’exprime d’abord, à la fin du chapitre V, par une jalousie confuse, à l’idée que celle-ci puisse en aimer un autre : « Elle avait reconnu la voix de Deloche […] il rentra chez lui. » Denise éprouve également de l’amour pour Mouret. Elle se sent donc bouleversée, au chapitre X, de recevoir une lettre de sa part – tout en se refusant à une liaison : « La porte refermée […] venait causer un peu. »
• L’Œuvre d’Émile Zola
L’amour de Christine pour Claude est plein de sacrifices, et dans cet extrait du chapitre VI il s’agit notamment de sacrifier un confort financier et matériel : « Enfin un soir […] avec des rires de soulagement. » Il s'agit d’une décision d’amour, rapide et brutale, emportée.
Avec la déception artistique, la distance se creuse avec Christine, et une sorte de férocité du personnage revient, comme ici au chapitre VI : « Crois-tu ? […] la vie était drôle ! » C’est ainsi qu'à l'inverse, lorsque la folie frappe Claude, c’est l’amour de Christine qui se révolte au chapitre XII : « Elle se redressa […] rien eu ensemble. »
• La Résurrection de Rocambole de Ponson du Terrail
L’amour n’est pas le thème principal du roman, mais il y apparaît. Dans cette scène de la première partie, au chapitre LXXXIII, la mort apparente d’Antoinette bouleverse son amant : « Agénor, que Milon portait […] tu n’es pas morte ! »
Plus tard, Rocambole prétend aimer Vasilika, et imite l’expression de l’amour sans le ressentir. Au chapitre XLII de la partie III il lui fait une déclaration enflammée, que le narrateur désigne immédiatement comme étant du jeu d'acteur : « Il osa lui prendre la main […] Une chaise de poste nous attend… » C’est une imitation de désir partagé.